Édito Facebook : Salutation à Jacques-Yvan Morin
Édito Facebook : Salutation à Jacques-Yvan Morin
Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 25-04 : www.societascriticus.com
Michel Handfield, M.Sc. Sociologie, Facebook, 2023-08-12, corrigé le 15-08-2023)
Salutation à un grand, décédé en juillet dernier nous apprend Le Devoir. (1) Je l'avais vu agir à l'Assemblée nationale lors d'une visite du Parlement avec le groupe du cours d'Histoire du Québec de mon école secondaire, Joseph-François-Perrault à Montréal. C’était au printemps de 1974, où ils étaient 6 péquistes face à 102 libéraux. Il m'avait impressionné.
Je l'ai revu dans une conférence pour l'élection de 1976. C'était au Collège Marie-Victorin, à cette époque, un cégep privé. J'avais voté PQ. Plus tard, je suis même devenu membre de ce parti jusqu'au tournant vers la droite sous Lucien Bouchard. Puis, je suis passé à Québec Solidaire depuis…
Daniel Turp et Clément Duhaime lui rendent d’ailleurs un bel hommage dans Le Devoir. J’en cite un passage :
« Jacques-Yvan Morin a toujours été sensible à ceux qui avaient choisi le Québec comme terre d’adoption et qui acceptaient ainsi de participer à l’aventure de la nation québécoise en terre d’Amérique. Il appartenait à l’aile du Parti québécois qui ne cessera d’affirmer que celle-ci doit être ouverte sur le monde et qu’elle s’enrichit de ses différences, comme le disait Léopold Sédar Senghor, avec qui il siègera au Haut Conseil de la francophonie. » (2)
On est loin de l’actuel repli sur soi politique, où l’on a peur du dialogue avec l'autre, voire de l’autre. À mes concitoyens du Québec, est québécois qui habite au Québec. Point.
La citoyenneté est d’ailleurs à distinguer de la « race » au sens commun du terme. Mais, en fait, on devrait plutôt parler d’origine, d’ethnicité ou de culture, car on est tous de la même race humaine : homo sapiens. Par contre, on peut-être d'origine ou de culture canadienne-française comme on peut être d’origine ou de culture italienne, haïtienne ou magrébine. De religion différente aussi, mais c’est toujours un trait culturel, non une race. Et, même si une large part des Québécois sont de culture canadienne-française, il y a tout de même plus que ça qui nous définit et nous distingue.
Personnellement, je me définis d’abord comme montréalais même si j'ai une large part de Canadiens français en moi. Je suis tout de même différent des Canadiens français de l’Ouest canadien, de la Gaspésie ou de la Côte-Nord. Par exemple, je ne vais pas à la pêche, ne chasse pas et voyage davantage en transport actif et en commun qu’en voiture (autopartage). Par contre, je sais lire les panneaux de signalisation à Montréal et je passe sous les cônes orange en métro.
Mais, il y a bien plus que ça qui me définit : j'aime le blues, le rock, l'opéra; je suis gaucher; je suis actif (gym par exemple), mais je n'écoute pas les sports à la télé; je lis l’anglais, mais le parle peu; je suis pour qu’une instance gouvernementale scientifique et mondiale se penche sur les questions qui dépassent les frontières et qui nous impactent tous, comme l’environnement et la santé, en particulier les pandémies. Et, je pourrais ajouter bien d’autres choses qui m’attachent à mes concitoyens de Montréal; parfois du Québec ou de l’Amérique; mais aussi d’ailleurs dans le monde, car je suis aussi un habitant de ce vaisseau qu’est la terre. Sans voyager, je m’intéresse aux nouvelles internationales par exemple.
Bref, je suis un être humain complexe comme la plupart d'entre nous. Je crois que Jaques-Yvan Morin l'était aussi, vu sa grande culture intellectuelle. On se réduit rarement à notre seule ethnicité ou religion – sauf si un régime idéologique nous y oblige - même si elle nous définit en partie. Jacques-Yvan Morin l’avait bien compris. D’ailleurs…
« Comme ministre d’État au Développement culturel et scientifique sous Lévesque, il élabore après la défaite de son camp au référendum un plan d’action adressé aux communautés culturelles et intitulé Autant de façons d’être Québécois. Publié en 1981, celui-ci vise à « assurer le maintien et le développement des communautés culturelles, [à] sensibiliser les Québécois francophones à l’apport des communautés culturelles [au] patrimoine commun, et [à] favoriser l’intégration des communautés culturelles dans la société québécoise ». » (3)
Je trouve que ces dernières années on s’est éloigné de cette approche plus inclusive, comme si nous revenions à un nouveau conservatisme idéologique plus doctrinaire. J’espère que son décès sera l’occasion de faire un retour sur son héritage et que nous saurons en tirer des leçons pour notre temps.
Notes
1. François Carabin à Québec, L’ex-ministre Jacques-Yvan Morin n’est plus, Le Devoir, 12 août 2023 :
2. Daniel Turp et Clément Duhaime, Le parcours exceptionnel d’un homme d’État, Le Devoir/IDÉES, 12 août 2023 :
3. François Carabin, Op. Cit.