Édito Facebook : L'enlisement économique !

 

Édito Facebook : L'enlisement économique !


Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 25-06 : www.societascriticus.com


Michel Handfield, M.Sc. Sociologie, 2023-12-16 (d’après mon Facebook du 2023-12-15)


À ceux qui se demandent ce qui se passe avec le gouvernement caquiste ou pour quoi François Legault ne réagit pas mieux au conflit actuel avec les employés de l'État, c'est simple et nous allons l’expliquer.


Notre gouvernement, comme la plupart des gouvernements actuels dans le monde, rêve d'emplois payants qui viendront des multinationales. Alors, pour les attirer, on les subventionne, quitte à déshabiller l'État pour séduire les grandes entreprises ! Mais, on n’a aucune garantie qu’elles demeureront en échange de ces sacrifices ni qu’elles remettront les choses en état à leur départ. Le passé nous l’a mainte fois montré : l’État ramasse la facture des dégâts (1) et, au final, le citoyen paie. Mais, on suit la parade, en espérant que le même comportement donne un jour de nouveaux résultats…


La Coalition Avenir Québec (CAQ) est naturellement attiré par ces sirènes du privé, vu son fond de conservateurs, d’adéquistes et d’anciens péquistes de la droite économique. Ne prônaient-ils pas le privé  et la réduction de l’État par exemple? Oui, majoritairement, alors, ce ne devrait pas être une surprise de les voir ainsi favoriser les grandes entreprises étrangères et des variantes du modèle néolibéral. (2) On y rêve grand, au niveau des gouvernements, mais on n’a pas grand contrôle possible sur ces entreprises, il faut le dire. Cependant, on semble l’oublier pour quelques promesses de retombées économiques locales.


Mais, ces entreprises ont la planète à leurs pieds et peuvent transférer leur production assez rapidement d’un pays à un autre, s’il se montre plus complaisant à leurs égards. Quant à leurs avoirs, quelques clics de souris suffisent pour les transférer en lieux surs, idéalement vers des paradis fiscaux !


Les États n’y peuvent rien et les travailleurs peuvent se retrouver sans emplois du jour au lendemain avec peu de recours, l’entreprise ayant changé ses plans pour répondre à des changements technologiques, économiques ou politiques subits.


Gouvernement de droite, la CAQ fut élue en promettant de baisser les impôts; de couper les commissions scolaires; de dégraisser l'État; de faire plus de place au secteur privé dans l’économie et dans l’État; et ne parlait pas vraiment d'environnement, un sujet qui n’avait pas trop de place dans son programme qui visait d’abord l’individualisme. On n’avait pas de réticences face à l’étalement urbain, au dézonage et à l’augmentation de la circulation, l’automobile étant même vue comme une extension de l’individu si je puis dire au sens figuratif.


Bref, il n'y a pas de quoi être surpris du résultat, car ce n'est pas le parti qui parlait le plus de solidarité ou de transport en commun, sauf pour démoniser Québec Solidaire (QS). On a même eu comme résultat un État qui a reculé sur la proportionnelle après maintes promesses de sa part pourtant !


En fait, il faudrait que les États comprennent l'économie politique, mais on ne l'enseigne plus vraiment. Le divorce est consumé depuis longtemps, ce qui fait que les entreprises dirigent maintenant l'économie, la vraie, et le Politique en dépend. Je dirais même qu’il est si dépendant des entreprises que celles-ci peuvent faire chanter les États et exiger ce qu'elles en veulent.


Normalement, les entreprises créent de la richesse, mais l'État en confisque une part pour égaliser les chances et combler les écarts les plus grands chez ses citoyens. Chacun trouvait autrefois sa part dans ce mariage de raison. C'était le libéralisme social, bien plus près de QS que de la CAQ ou des conservateurs. Un passage de David Hume (1711-1776) à ce sujet pour bien le comprendre :


« Tout État est affaibli par une trop grande disproportion entre les citoyens. Chacun, si c'est possible, devrait jouir des fruits de son travail, par la pleine possession de tout ce qui est nécessaire à la vie, et de plusieurs des choses qui la rendent agréable. Nul ne peut douter qu'une telle égalité soit ce qui s'accorde le mieux avec la nature humaine et qu'elle ôte bien moins au bonheur du riche qu'elle n'ajoute à celui du pauvre. Elle augmente aussi le pouvoir de l'État, et elle est cause que les taxes ou impositions extraordinaires seront payées de meilleur gré. Là où les riches s'engraissent sur le dos du petit nombre, il faut que leur contribution aux nécessités publiques soit très large; mais dès lors que les richesses sont répandues sur une multitude, le fardeau semble léger à chaque épaule, et les taxes n'apportent pas de différence bien sensible dans la façon de vivre de chacun. » (3)


Tant qu'on ne reviendra pas aux bases de l'économie politique et qu'on laissera ainsi les entreprises décider, elles monteront les États les uns contre les autres à leur profit et créeront de la surenchère pour y exploiter des ressources ou y construire leurs usines. Le contribuable paiera pour les entreprises comme si c'était une faveur qu'on lui faisait d'exploiter son pays. Tout de même paradoxal de subventionner des entreprises pour tirer nos ressources, faire travailler nos concitoyens et de les subventionner pour le faire même s’ils en tirent une plus-value ! Pendant ce temps, on appauvrit l’État et on coupe dans nos services. Trouvez l’erreur?


Notes


1. Par exemple : « La gestion des mines orphelines demeure un défi de taille pour le Québec. Il en coûtera 1,2 milliard de dollars pour restaurer les 400 sites miniers abandonnés qui font partie du passif environnemental du gouvernement. » Catherine Paradis, Délais persistants pour restaurer les mines abandonnées du Québec, Radio-Canada / Désautels le dimanche, 25 juillet 2021 :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/desautels-le-dimanche/segments/reportage/364320/delais-persistants-pour-restaurer-les-mines-abandonnees-du-quebec


2. J’ai pensé ici à deux livres :


St-Onge, J.-Claude, 2000, L’imposture néolibérale, Montréal : écosociété


Gélinas, Jacques B., 2003, Le virage à droite des élites politiques québécoises, Montréal : écosociété


3. Hume, La liberté comme nécessité historique (tiré de Du commerce, in Discours politiques), in Mikaël Garandeau, Le libéralisme, GF Flammarion, corpus, p. 63


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