La guerre fratricide Israël/Palestine

 

La guerre fratricide Israël/Palestine


Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 26-02, Éditos : www.societascriticus.com


Commentaires de Michel Handfield, M.Sc. sociologie (2024-05-04)



Karl Marx n’a pas écrit par hasard « La religion, opium du peuple. » (1) Le conflit israélo-palestinien en est la preuve. Des frères qui se battent au nom de la religion, car qu’est-ce qui sépare un juif d’un Palestinien? Rien, sinon leurs croyances et leurs cultures.


Non, ce n’est pas la race, car on est tous de la même race humaine : homo sapiens. (2) Je cite :


« Des études scientifiques, fondées depuis le milieu du xxe siècle sur la génétique, ont montré que le concept de « race » n'est pas pertinent pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l'espèce humaine car la diversité génétique est beaucoup plus importante entre les individus d'une même population qu'entre groupes différents. Le consensus scientifique actuel rejette, en tout état de cause, l’existence d'arguments biologiques qui pourraient légitimer la notion de « race », reléguée à une représentation arbitraire selon des critères morphologiques, ethnico-sociaux, culturels, politiques ou liés à la couleur de peau. » (3)


D’ailleurs, on parlera maintenant davantage des « langues sémitiques » (4) que de races (5) :


« Le terme de sémites a été utilisé à l'époque moderne pour désigner des populations descendant supposément de ces peuples antiques et reconnaissables à des critères physiques, à savoir les Juifs et les Arabes. Cette classification raciale, et l'idéologie raciste qui l'accompagne, est aujourd'hui rejetée par les scientifiques. » (6)


Mais, selon moi, la meilleure preuve qu’il s’agit d’un conflit fratricide, c’est Karl Marx qui nous la donne :


« [Karl] naît à Trèves le 5 mai 1818. Il n’est ni circoncis ni baptisé conformément au rite luthérien. Comme par provocation, il porte, selon la tradition juive, le nom de son père et celui de son grand-père, ancien rabbin de la ville : Karl Heinrich Mordechai. » (7)


Alors, le juif qui a suivi Jésus ou Mahomet est toujours de la même famille et de la même ethnie, même s’il n’est plus juif à cause de son changement de religion. Cette guerre est d’abord une guerre religieuse, il faut le dire. Quand on me dit que la religion est pacifique, j’ai de gros doutes d’ailleurs.


En plus, loin d’aider à pacifier les choses, certains chrétiens fondamentalistes, de la nouvelle naissance (born again), évangéliques et sionistes (8) mettent de l’huile sur le feu et encouragent ce conflit, croyant que la création du grand Israël mythique forcera le retour de Jésus.


Ce n’est pas pour rien que les présidents états-uniens reviennent souvent sur leur soutien indéfectible à Israël, une part non négligeable des électeurs étant de ces courants. (9) Assez tordu tout de même, surtout venant de gens souvent associés au mouvement pro-vie, car cela se fait dans le but de gagner des votes, mais aux dépens de vies humaines en même temps. Des moralisateurs en manque d’éthique et de compassion pour atteindre leurs objectifs politiques.


C’est aussi oublier ce dialogue entre le diable et Jésus :


« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit: Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet; et ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre. Jésus lui dit: il est aussi écrit: tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu. » (10)


Alors, quand on me dit que la religion est pacifique, j’ai quelques objections éthiques. Quand on me dit que cette liberté fondamentale donne des droits, je réponds toujours que la croyance religieuse ne devrait pas donner davantage de droits que la croyance en l’horoscope, car une croyance demeurera toujours une croyance, non un fait. (11) On ne devrait jamais donner le droit de tuer au nom de Dieu par exemple.


De plus, il fait peut-être partie de la politique états-unienne d’attiser ces conflits pour diviser les peuples et détruire ainsi des régimes politiques, voir des populations, par des conflits intérieurs selon « le principe sur lequel les puissances impériales ont de tout temps assis leur domination : Diviser pour régner. » (12). À ce sujet, je cite un passage du dernier ouvrage de Noam Chmsky que je suis en train de lire :


« Le pire crime imputable à l’invasion [de l’Irak] est d’avoir attisé le conflit confessionnel. Auparavant, les communautés chiites et sunnites vivaient en bonne entente, à la manière de deux sectes protestantes aux États-Unis. (…) Quelques années après le début de l’occupation américaine, ils se faisaient la guerre. Ce conflit confessionnel ou ethnique s’est étendu au reste du Moyen-Orient, déchirant l’ensemble de la région. » (13)


Si je n’appuie pas le Hamas, je n’appuie pas davantage la droite israélienne, car les deux tuent au nom de leurs croyances religieuses au lieu d’essayer de vivre ensemble, tout cela encouragé majoritairement par des chrétiens états-uniens qui instrumentalisent ce conflit dans l’espoir de faire revenir Jésus-Christ tel que je l’ai écrit plus haut.


Personnellement, je crois que ce conflit pourrait se résoudre par une approche de multiculturalisme à la canadienne comme je l’écrivais peut-être un peu maladroitement en 2002 quand je suggérais de faire la Sémitie, « pays de Sémites de diverses orientations religieuses. » (14) Mais, qu’on fasse un pays ou deux, avec une frontière plus hermétique ou, au contraire, une forme de souveraineté-association à la québécoise, l’idée du vivre ensemble dans une forme de multiculturalisme et d’acceptation de l’autre demeure la meilleure solution de paix pour cette région, ce que j’écrivais en 2017 :


« Mais, ce qu’on croit, les autres ne le croient pas nécessairement. Ils vont peut-être même contre nos croyances; ont d’autres idées. On doit l’accepter dans une société plurielle et ouverte. C’est là le propre des sociétés libérales et multiculturelles. Malheureusement, au nom de la politique et de l’économie, on oublie ces principes quand on négocie avec d’autres pays. Je n’ai jamais entendu un premier ministre canadien dire que le multiculturalisme serait une solution au problème israélo-palestinien. Au contraire, on est pour la division et l’exclusion à l’étranger, comme si ce qui était bon au Canada ne l’était plus ailleurs. C’est ainsi qu’on peut parler du « soutien indéfectible » à Israël à l’étranger et trouver le Québec fermé sur lui-même parce qu’il remet en cause le multiculturalisme canadien comme allant trop loin. Quand le Canada aura-t-il le courage de défendre le multiculturalisme et l’ouverture libérale qu’il promeut à l’interne comme solution de paix dans le monde, que ce soit en Israël, en Arabie saoudite, ou ailleurs? Ce serait au moins conséquent. » (15)


Mais il faut d’abord que des pays démocratiques comme le Canada aient le courage de le proposer, même si cela ne fait pas l’affaire des États-Unis, car :


« Les États-Unis tolèrent mal un pays qu’ils ne peuvent intimider comme l’Europe et qui, par conséquent, n’obéit pas à leurs ordres. » (16)


S’ils veulent la paix, ils doivent accepter des compromis. Et, de ce point de vue, notre modèle du vivre ensemble est certainement mieux que le conflit perpétuel dans lequel ils sont enlisés. Sinon, s’ils refusent toujours le dialogue et les compromis, ils demeureront d’excellents clients pour les vendeurs d’armes et les manipulateurs politiques et religieux qui les instrumentalisent depuis trop longtemps déjà. Qu’ont-ils vraiment à gagner à vouloir s’éradiquer ainsi jusqu'au dernier ? Pas grand-chose, sauf des décennies et des siècles de misère encore.


Pour paraphraser Marx, je conclurai donc en disant prolétaires et victimes de cette guerre fratricide, unissez-vous pour le bien commun contre ce fascisme religiopolitique qui vous manipule depuis trop longtemps déjà !


Notes


1. Marx, Karl, Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843


2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_sapiens


3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Race_humaine


4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_sémitiques


5. Ajout de dernière minute. En vérifiant mes brèves (Sciences et technos) je suis tombé sur celle-ci qui a toute sa place ici :


Pour ceux qui croient encore à la notion de race… (Michel Handfield, Facebook, 2024-02-27, Societas Criticus, Vol. 26-02)


Ce n'est pas ce que la science dit. Je cite :


« Biological and genetics research has established that racial categories have no biological or genetic basis. Social sciences have established that race is a socially and politically constructed categorization that undergirds racism, which has devastating consequences for racially oppressed groups. Continued use of race as a proxy for describing human genetic variation is therefore troubling... »


R. G. DUNCAN , R. KRISHNAMOORTHY, U. HARMS et al., The sociopolitical in human genetics education, SCIENCE, 22 Feb 2024, Vol 383, Issue 6685, pp. 826-828 : https://www.science.org/doi/10.1126/science.adi8227


Cette brève se retrouve au lien suivant :

https://societascriticus.blogspot.com/2024/05/nos-breves-facebook-26-02-regroupees-en.html


6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sémites


7. Attali, Jacques, 2005, Karl Marx ou l'esprit du monde, France : Fayard (Documents), p. 26


8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondamentalisme_chrétien

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_naissance

https://fr.wikipedia.org/wiki/Évangélisme

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sionisme_chrétien


9. Une large part d’entre eux sont d’ailleurs derrière Donald Trump. Il suffit de googler « chrétiens derrière Trump » dans Actualités pour trouver toute une série d’articles sur le sujet.


10. Matthieu 4:7 : https://saintebible.com/matthew/4-7.htm


11. À ce sujet, je vous recommande mon texte du 21 février 2017, Croyances et droits, Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 19 no 03, Essais :

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=Ljsezi4FzT_LWJmFogk2IA

À Bibliothèque et Archives Canada, vous les trouverez à :

https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html



12. Marglin, Stephen A., Origines et fonctions de la parcellisation des tâches. À quoi servent les patrons?, in GORZ, A., 1973, Critique de la division du travail, Paris, Seuil, coll. Point, p. 53


13. Noam Chomsky et Vijay Prashad, Le retrait. La fragilité ou la puissance des États-Unis : Irak, Lybie, Afghanistan, Montréal : Lux, édition électronique sur Google books, pp. 78-9


14. Handfield, Michel, Pour la création de la Sémitie, 15 septembre 2002, Societas Criticus/Edito-criticus !, Vol. 4 no. 2 :

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=Gh-IxzNcSY_2xda9O9JWjA

À Bibliothèque et Archives Canada, vous les trouverez à :

https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html


15. Michel Handfield, 2017-12-17, Recette explosive, Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 19 no 11, Essais :

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=jCC4wU6kKDuzoSyp_UuRBw

À Bibliothèque et Archives Canada, vous les trouverez à :

https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html


16. Dans l’introduction de Noam Chomsky et Vijay Prashad, Le retrait. La fragilité ou la puissance des États-Unis : Irak, Lybie, Afghanistan, Montréal : Lux, édition électronique sur Google books, p. 17


Deux autres textes


Handfield, Michel, Trois éditos religiopolitique !, Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 22-01, Éditos :

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=LM9Yx40TgVA17SUkFhhACw


À Bibliothèque et Archives Canada, vous les trouverez à :

https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html



Handfield, Michel, 2023-10-10, Hamas versus Israël : on n’en sort pas,

Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 25-05, Éditos :

https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=HfhrbbNK8ewAVYMwiOJ9SQ


À Bibliothèque et Archives Canada, vous les trouverez à :

https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html


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