Coupes du gouvernement Legault. La coopération, ça ne vous sonne pas des cloches?
Coupes du gouvernement Legault. La coopération, ça ne vous sonne pas des cloches?
Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 27-01/26-05 : www.societascriticus.com
Michel Handfield, M.Sc. sociologie (2025-01-31)
Depuis la fin de l’année 2024, on entend parler de coupes en santé, en éducation et en culture, mais le gouvernement refuse de parler d’un retour à l’austérité. Il est vrai que, si l’on considère les subventions aux projets économiques comme Northvolt (où Québec et Ottawa ont « injecté ensemble 7,3 milliards de dollars » [1]), l'on ne peut pas parler d’austérité gouvernementale. Mais, cela en oblige d’autres à se serrer doublement la ceinture, soit les citoyens.
En effet, depuis quelque temps, on voit ce genre de manchette qui en dit long sur l’incurie gouvernementale en culture et en éducation malgré les beaux discours parlant de l’importance de la culture, de l’éducation et du savoir, classées par dates de parutions ici :
- Zacharie Goudreault, Québec impose une «baisse drastique» des dépenses aux cégeps, Le Devoir, 4 septembre 2024 :
- Dominique Scali, Des écoles ne reçoivent pas assez d’argent pour acheter les manuels du nouveau cours de citoyenneté québécoise, Le journal de Montréal, 12 septembre 2024 :
- Catherine Lalonde, Québec en sait trop peu sur les bibliothèques scolaires, Le Devoir, 16 oct. 2024 :
https://www.ledevoir.com/societe/education/821751/quebec-sait-trop-peu-bibliotheques-scolaires
- Catherine Lalonde, Beaucoup de livres neufs dans les écoles, trop peu de bibliothécaires, Le Devoir, 17 oct. 2024 :
- Zacharie Goudreault, Un régime minceur qui fait perdre des livres aux bibliothèques collégiales, Le Devoir, 2 déc. 2024 :
- Ici Radio-Canada/nouvelles, De nouvelles coupes du gouvernement Legault dans l’éducation, 18 décembre 2024 :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2127972/education-coupe-compression-legault-drainville
- Geneviève Lajoie et Daphnée Dion-Viens, Retour de l’austérité en éducation : des coupures dans l’aide alimentaire et les sorties culturelles, Le Journal de Québec, 17 janvier 2025 :
Alex Fontaine, Des centaines d’artistes réclament une hausse du financement en culture, Le Devoir, 22 janvier 2025 :
https://www.ledevoir.com/culture/835426/centaines-artistes-reclament-hausse-financement-culture
- Isabelle Ducas, Accès aux installations sportives des écoles. Le sport amateur compromis, La Presse, 23 janvier 2025 :
- Patricia Tadros, Fin de la gratuité pour tous dans les musées du Québec. Le gouvernement provincial met fin à la mesure en vigueur les premiers dimanches de chaque mois, Ici Radio-Canada/Québec, 27 janvier 2025 :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2135720/musees-quebec-fin-gratuite-gabrielle-bouchard
Mais, quand on utilise sa tête, ces coupes n’ont aucun sens. Si ces services sont nécessaires, qui va payer ? Que ce soit le gouvernement du Québec, les villes, ou encore le gouvernement fédéral, ce sera toujours le contribuable qui devra payer en fin de compte. Pourtant, la coopération aurait meilleur gout, car elle permettrait d’assurer les services, peut-être même de les améliorer et d’en réduire les couts, en partageant des ressources existantes plutôt que de faire des dédoublements.
Par exemple, comme je vois des groupes d’élèves passer sur ma rue avec leurs professeurs, je leur ai demandé ce qu’ils allaient visiter. À ma surprise, c’est à la bibliothèque de la ville (Montréal) qu’ils vont, malgré le fait qu’ils ont une bibliothèque scolaire assez récente. C’est qu’ils y ont un plus grand choix de livres ! Mais, imaginez que la ville facturerait l'usage des bibliothèques aux écoles? On dirait que ça n'a aucun sens. Pourtant, les commissions scolaires vont limiter l’accès aux installations sportives des écoles pour les villes ! (L’article est cité dans la liste plus haut.) Quel paradoxe, tout de même !
Et, encore plus tordu: « Depuis 2020, les municipalités ont l’obligation de céder gratuitement des terrains aux centres de services scolaires pour la construction de nouvelles écoles. » (2) Et, si ces villes veulent en utiliser les locaux pour leurs citoyens, elles devront payer ! Ça ne s’invente pas.
Alors, pour toutes ces raisons, j’ai choisi de republier mon texte de 2018 où je parlais de coopération et de partenariat entre les villes et les commissions scolaires, par exemple, car à l’époque on avait encore des commissions scolaires. Alors, si, pour certains termes, notre texte a peut-être vieilli, concernant l’approche coopérative, il est longuement en avance sur la philosophie du « chacun pour soi » qui gouverne nos institutions et nous coute cher en termes de dédoublement, par exemple !
Avant la rigueur budgétaire, on devrait peut-être penser à la coopération interinstitutionnelle ! Vous trouverez ce texte, « Des idées pour les commissions scolaires, le cas de la CSDM », suite aux Notes.
Notes
1. PAUL JOURNET, Un boomerang contre Northvolt, LA PRESSE, 27 janvier 2024: https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2024-01-27/un-boomerang-contre-northvolt.php
2. Jeanne Corriveau, De nouvelles écoles qui pèsent lourd dans le budget des villes, Le Devoir, 27 nov. 2023 :
Des idées pour les commissions scolaires, le cas de la CSDM
Societas Criticus, revue de critique sociale et politique, Vol. 20 no 02, Essais : www.societascriticus.com
NDLR : Quelques petites coquilles et fautes d’orthographe ont été corrigées. Certains hyperliens de ce texte ne fonctionnant plus, ils ont été mis à jour lorsque possible.
Texte et photos Michel Handfield, M.Sc. Sociologie ()
Éditeur de Societas Criticus
Ce texte est une version allongée de ma réponse au texte de Marco Fortier, « Un sondage «inutile» de la CSDM soulève l’indignation », Le Devoir, 2 février 2018 : www.ledevoir.com/societe/education/519137/indignation-autour-d-un-sondage-a-la-csdm. Il se retrouve dans les commentaires suivant ce texte sur ledevoir.com et sur ma page Facebook sous le titre « Problème de recrutement à la CSDM ».
Je la trouve bonne celle-là. Ça fait quelques années déjà que je travaille comme magasinier à temps partiel à la CSDM en plus de faire une revue internet à compte d'auteur, Societas Criticus, car il faut bien travailler un peu. Puis, ayant fait un bac et une maitrise en sociologie, ce n'est pas incompatible. Loin de là. Pensons aux sociologues des années 1960 et 1970 qui intégraient les milieux de travail, par exemple. Robert Linhart a même tiré un livre (1) de son expérience d’ouvrier spécialisé dans l'usine Citroën de la porte de Choisy (2).
Écrivant sur la société et la culture, étant membre de l'Association des Communicateurs Scientifiques, de l'Association des Critiques de Théâtre du Québec et de Society for Studies of Social Problems, j'aurais peut-être pu les aider. Pourtant, j'ai appliqué à quelques occasions sur des postes, soit à la direction, soit aux communications, sans jamais avoir une entrevue pour expliquer ce que je pourrais faire. Probablement pas dans le bon domaine, mais si au moins j’avais eu la chance de leur parler de complémentarités possibles. Ça ne veut pas dire que j’aurais eu un poste, mais au moins j’eusse pu apporter un point de vue qu’ils n’ont peut-être pas et qui pourrait être complémentaire.
Paradoxal tout de même quand on nous parle de l’importance du développement des compétences transversales en éducation. Si les commissions scolaires ne les regardent pas chez leurs employés, ça sert à quoi les compétences transversales? Ne devraient-elles pas donner l'exemple?
J'aurais des idées me semble, l’éducation étant d’abord d’ordre social (3) et l’école étant une organisation pour la transmission des savoirs ! À la limite on pourrait même faire l’école dans les parcs l’été, comme au temps des philosophes grecs, si on n’a plus les moyens d’entretenir les écoles, car ce n’est pas l’école physique qui compte, mais bien l’idée de faire l’école ! On n’en est pas là, mais cela illustre que l’important en éducation est d’abord et avant tout la transmission de savoirs et d’apprentissages. Partant de là, tout peut être remis sur la table pour repenser l’école physique. Voici donc quelques pistes de réflexion.
La bibliothèque électronique en appui
Par exemple, pourquoi ne pas avoir des livres, dictionnaires et revues électroniques dans nos bibliothèques scolaires, particulièrement au secondaire, car nos jeunes doivent apprendre qu'un cellulaire ou une tablette ne sert pas qu'à faire des jeux. L'école pourrait leur enseigner cela. En 2014, par exemple, Le Devoir nous présentait une bibliothèque sans livres : la Florida Polytechnic University. (4) Que feraient nos étudiants face à cela? Nos écoles les préparent-elles vraiment au XXIe siècle? Pourtant, nous y sommes !
Certaines ressources pourraient alors être accessibles de la maison, comme des dictionnaires en ligne et des ressources documentaires. Suffirait d’un petit effort pour l’organiser. Et cela pourrait être une aide précieuse pour les étudiants de la CSDM qui n’ont pas toujours accès à un dictionnaire à la maison, par exemple.
Les Bibliothèques de la ville de Montréal nous offrent d’ailleurs plusieurs ressources en ligne, dont des livres numériques; journaux, revues et reportages; cours de langues et d'informatique, de cybersécurité et des jeux et des exercices en ligne pour apprendre le français et les mathématiques nous dit-on sur leur site internet. (5) C’est donc possible.
Alors, pourquoi une commission scolaire ne pourrait-elle pas en faire autant pour les jeunes ou, au minimum, développer des partenariats avec les Bibliothèques de sa ville et Bibliothèque et Archives nationales du Québec (6) pour ses étudiants? En échange, vu le manque de bibliothèques de la ville dans certains quartiers, il y aurait certainement moyen de développer des partenariats pour que la bibliothèque scolaire soit partagée pour les jeunes du secteur, comme peut l'être un gymnase, par exemple, le soir et durant les périodes de vacances. D’ailleurs, ces jeunes fréquentent peut-être déjà l’école du quartier. Il serait fort simple et beaucoup plus écologique de partager ainsi la bibliothèque de l’école avec la ville que d’avoir recours à une bibliothèque mobile (notre photo), qui émet des CO², pour apporter des livres où il n’y a pas de bibliothèque municipale pour les jeunes. Puis, avec l’aide de la ville, la collection de l’école pourrait être augmentée. Ce serait gagnant-gagnant non seulement pour ces institutions, mais pour les citoyens qui verraient là un partage des ressources plutôt qu’un dédoublement comme on en voit trop souvent encore.
Je sais : ça parait simple et ce l’est probablement, mais c’est sans compter sur les juridictions, les conventions collectives et toutes ces normes qui ne s’arriment pas pour venir compliquer les choses. Je suis certain qu’une telle proposition se heurterait à toute une série d’objections. Il est ainsi parfois plus simple de ne rien faire, comme je l’ai déjà écrit dans le bulletin de la CECM il y a plus de 20 ans ! (7) Ensuite, on accusera le citoyen d’être cynique…
La question du livre électronique et du partage de ressources avec le service des Bibliothèques de Montréal (8), du moins pour le livre jeunesse, n'est là qu'un exemple. On pourrait pousser ces partenariats beaucoup plus loin, ne serait-ce que pour montrer que l'éducation est l'affaire de tous.
Le cas de l'éducation populaire, riche en enseignements
Les Centres d’éducation populaire (CEP) de Montréal se sentent menacés par les hausses de loyers qui leur sont imposés par la CSDM malgré l’importance de leur mission éducative. C’est que la CSDM a des déficits budgétaires, de locaux et d’entretien à régler, on le sait. C’est la première partie du problème.
De l’autre côté, les CEP n’ont jamais reçu le financement assurant leur survie de la part du ministère de l’Éducation malgré les promesses du ministre Proulx à ce sujet. (9) Alors, survivront-ils ou couperont-ils des services à une population, parfois vulnérable, qui en a besoin?
Quand on parle du décrochage scolaire des jeunes, une des solutions pour le prévenir peut être de raccrocher les parents justement. C’est ce que font ces centres : faire raccrocher les parents; les informer et les éduquer dans le sens noble du terme. Beaucoup plus difficile pour un jeune de décrocher de l’école quand il voit un de ses parents, sinon les deux, y retourner par le biais de l’éducation populaire pour améliorer le sort de la famille.
Pourquoi alors ne pas cesser ce dialogue de sourds ? Le Ministère de l’Éducation, les Commissions scolaires, les Centres d’éducation populaire ne pourraient-ils pas s’assoir et trouver des solutions, comme d’utiliser certaines classes après les heures d'écoles pour donner des formations? N’est-ce pas le but recherché par tous que d’améliorer l’éducation des citoyens pour les préparer à vivre dans cette société du savoir? À moins que ce ne soient que de belles paroles préparées par des agents de communications? On ressort la cassette au besoin quand ça revient sur le fil d’actualités et on parait s’en occuper. De toute façon, le peuple oublie.
Les mots et la réalité : des économies !
Quand on dit que l’éducation est importante, pourquoi les gestes disent-ils tout le contraire? Tous les gouvernements qui se sont succédé au cours des dernières décennies ont semblé faire beaucoup plus d’économie sur le dos de l’éducation, des services sociaux et communautaires, destinés à la population, que des investissements. Le gouvernement peut toujours dire que ce sont les choix des commissions scolaires, mais c’est lui qui contrôle le financement et impose les normes à respecter, donc les dépenses autorisées ou non. C’est comme si la tête disait que ce n’est pas elle qui contrôle le bras et les actions de la main. Un non-sens trop facilement accepté, je trouve. Où est passé le sens critique?
Mais, si on réduit dans l’éducation, on réduit par le fait même la compréhension de ces phénomènes et la critique face au gouvernement. À ce niveau, les groupes d’éducations populaires et communautaires sont importants pour éduquer/informer la population. Mais, c’est aussi former des objecteurs de conscience, voir des indignés, face aux pouvoirs. Le ministre peut bien verser une larme devant la caméra en parlant de ces groupes, mais ne doit pas être trop pressé de leur signer un chèque !
Où est passé le citoyen?
Sans parler de conspiration, on voit aussi qu’il y a une mode à parler de clients. Cela a commencé dans les années 1990. J’en étais, mais on parlait au moins de clients internes et externes, comme les « professeurs, élèves, parents, etc. » par exemple. (10) Ce qu’on ne pensait pas à l’époque, c’était qu’en parlant de clients plutôt que de bénéficiaires de services, on ouvrait la porte à une marchandisation des services en même temps, car quand on dit client d’autres entendent facturation possible. Est-ce là l’étape nécessaire pour faciliter la privatisation des services à plus ou moins brève échéance? (11) Je pose la question, car les mots disent parfois plus qu’on ne le croit.
D’ailleurs, les commissions scolaires présentent souvent les étudiants comme leur clientèle. Pas surprenant alors que certains soient tentés de gonfler leurs notes pour les satisfaire, car le client a toujours raison dit l’adage ! (12) Mais, ce n’est pas vrai, car ils ne paient pas pour ce service qu’ils reçoivent. Ce sont des bénéficiaires. Ils sont là pour apprendre et, comme société, on doit avoir des exigences à leur égard.
Le client, s’il y en a un véritable, c’est le citoyen, qu’il ait des enfants ou non, car il paie pour les Commissions scolaires à travers la fiscalité et les taxes scolaires. Moi, comme citoyen, je m’attends à ce que l’étudiant formé dans l’école secondaire de mon quartier ait autant de chance de devenir médecin un jour que celui d’Outremont, qui va au privé, s’il met les mêmes efforts pour réussir. Rien de moins. Voilà ce que j’appelle une éducation publique équitable.
Alors, si la mission de la commission scolaire est l’éducation, elle ne peut cautionner un tel mouvement clientéliste, car il la menace.
En effet, si l’enfant est client, pourquoi l’argent ne suivrait-il pas l’élève plutôt qu’aller aux commissions scolaires? On n’est pas loin alors d’une privatisation possible de l’école, car il devient facile après cela de choisir l’école privée avec cet argent, car, contrairement aux écoles privées subventionnées à 60%, tous les enfants seraient subventionnés à 100%. L’école privée deviendrait alors aussi accessible que l’école publique pour eux. Il en reviendrait alors aux écoles d’offrir des programmes particuliers et de se distinguer sur le plan de leur pédagogie et de leur gestion (privée, coopérative ou communautaire, par exemple) pour attirer certains élèves plutôt que d’autres. Parents et enfants choisiront alors à quelle école remettre l’argent reçu du ministère de l’Éducation si l’enfant réussit les examens d’entrée.
Si l’enfant ne réussit pas ces examens d’entrée, que restera-t-il comme choix?
Pour ceux qui ne seront pas acceptés dans ces écoles, restera probablement un réseau d’écoles parapubliques qui les accepteront. Mais, ce ne sera pas nécessairement l’école près de chez eux, car elle pourrait désormais s’inscrire dans un modèle d’école à vocation particulière et sélectionner ses élèves elle aussi. Ce clientélisme, soulignons-le, appelle souvent une forme de privatisation à plus long terme des marchés les plus rentables et un délestage des autres. Suffit de regarder les transports. Dès que le Fédéral s’est retiré d’Air Canada, les corridors de service public ont été délaissés ou ont vu leur prix augmenter de façon disproportionnée au point qu’ils ont été abandonnés par la suite, faute de clients. On ne devrait jamais oublier que les mots ne sont pas innocents.
L’égalité...
Exit aussi l’égalité des chances, car l’enfant de parents qui ne valorisent pas l’école pourra passer à côté de son potentiel. C’est à l’école publique de faire que tous les enfants puissent réaliser leur plein potentiel, surtout aux dépens des conditions socioéconomiques qui pourraient les en empêcher. Et ce n’est pas en faisant du clientélisme; en ne les forçant pas à se dépasser; ou en normalisant les notes pour qu’ils ne connaissent pas l’échec (13) que les enfants réaliseront ce dont ils sont capables.
L’école ne doit pas les traumatiser ni les surprotéger, mais elle doit leur transmettre des valeurs humanistes tout en les préparant à vivre dans un monde où la compétition et l’injustice existent aussi. Ils doivent être outillés pour vivre dans ce monde à leur sortie de l’école. C’est le minimum souhaitable. Si, en plus, ils ont des outils pour leur donner le gout d’aller plus loin et de vouloir le changer, c’est que l’école aura fait son travail.
Les cellulaires et les tablettes à l’école
Dans les années 1970, quand je fréquentais le secondaire, il n’y avait pas de dictionnaires pour tous. Dans certaines classes, il n’y en avait même pas. Et, on était dans les belles années financières, avant l’austérité et les coupures. Imaginez aujourd’hui.
Maintenant, par contre, un Robert/Dixel mobile ou un Larousse pour cellulaire et tablette coute moins de 10$. Ce sont de bons outils qui fonctionnent même lorsqu’on n’est pas en ligne. Je le sais, car j’ai les deux sur mon téléphone. Pourquoi, alors, ne pas les permettre en classe?
Il faudra bien un jour commencer à enseigner aux jeunes qu’un cellulaire et une tablette ne sont pas que ludiques; ce sont aussi des outils pratiques et productifs.
Le vilain mot est lâché pour la gauche : productif ! C’est ne pas avoir lu Marx que de penser ainsi, car Marx n’en avait pas contre la productivité; il remettait bien plus en cause l’absence de redistribution. De plus, il était même pour la mondialisation. Sinon, on ne crée pas une Internationale ! (14)
On peut y mettre la Suite Office pour faire ses devoirs tout comme on peut y télécharger un livre pour lire et même des journaux, comme La Presse +, Le Devoir, USA today, et L’OBS (France) pour ne nommer que ceux-là. Ces outils ne servent pas qu’à des jeux et si l’école ne l’enseigne pas, qui va le faire? Surtout, plusieurs parents connaissent moins ces outils modernes que leurs enfants ou le leur offrent «pour qu’ils leur fichent la paix » (15). Si on ne veut pas donner cet enseignement et cet encadrement à l’école, qui va le faire?
Un livre, mais c’est quoi un livre?
Il faudrait peut-être aussi cesser de dire que l’on est dans une société du savoir si l’on pense encore qu’un livre ou un dictionnaire c’est du papier.
Un livre, c’est une suite de mots donnant un sens et racontant une histoire ou rapportant des faits selon le type littéraire ou documentaire utilisé. On peut ainsi parler de romans, d’essais, de livres de référence, etc. Ils peuvent être imprimés (papier), mais aussi électroniques, en ligne et même audio dans certains cas.
Un dictionnaire, c’est une base de données donnant le sens et les caractéristiques des mots. Tout comme les livres, ils peuvent être sur support papier, mais aussi sur une variété d’autres supports. Les dictionnaires d’Antidote en sont un exemple. Le grand dictionnaire terminologique (en ligne) de l’Office québécois de la langue française (16) en est un autre. Les applications comme le Larousse ou le Robert-Dixel d’autres exemples.
Non, un livre, un journal ou un dictionnaire, ce n’est pas du papier, mais de l’information ! Comme une boite de papier, ce n’est pas une boite de livres ! un livre, un journal ou un dictionnaire, c’est un contenu mis sur un support, que ce soit une puce, un site internet ou imprimé sur du papier. Voilà ce que c’est. Il faut se faire à l’idée tout comme on s’est déjà fait à l’idée qu’un téléphone, ça ne doit pas nécessairement être attaché à un fil.
La publicité
J’ai souvent remarqué des publicités sur les écoles de métiers de la CSDM (17) dans le métro par exemple, mais moins de l’école normale, ni de ses programmes spécialisés.
Inversement, les écoles privées peuvent faire des annonces qui vantent leurs mérites et leurs services. On en reçoit même par le porte à porte. (18)
Question de loi, d’éthique ou de règlements peut-être, mais une recherche par mots-clés, avec « publicité » et « promotion », ne m’a pas permis de trouver d’articles signifiants sur le sujet dans la « Loi sur l’instruction publique » (19). Mais, ça ne veut pas dire que ce n’est pas inscrit ailleurs.
Conclusion
Voilà ce à quoi pourrait aider un sociologue : trouver de nouvelles pistes de réflexion pour une école plus ouverte et inclusive sur sa communauté.
Les autres Commissions scolaires pourraient aussi suivre si la CSDM se donnait la peine d’être une locomotive du changement et donnait de tels exemples. Certains reprochent à la CSDM d’être trop grosse. Mais, si, comme un joueur de football, elle se sert de son poids, de sa force et de sa vitesse pour ouvrir une brèche vers le changement et faire enfin entrer nos jeunes au XXIe siècle, elle aura certainement davantage d’appuis que de critiques ! Parfois, il faut foncer pour les bonnes raisons.
Notes
1. Linhart, Robert, 1981, L'établi, Paris : éditions de Minuit
2. Voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Linhart
www.leseditionsdeminuit.fr/livre-L%E2%80%99%C3%89tabli%C2%A0-2172-1-1-0-1.html
3. C’est ce que la société veut transmettre aux générations qui suivent. Ce sont des choix sociopolitiques, parfois objet de combats idéologiques et de classes sociales. « L'éducation n'est pas neutre. » Je n’ai pu trouver si cette maxime appartient à quelqu’un, mais il me semble l’avoir assez souvent entendu pour la mettre entre guillemets.
4. Stéphane Baillargeon, Une bibliothèque sans livres, Le Devoir, 2 septembre 2014, www.ledevoir.com/culture/417335/une-bibliotheque-sans-livres
5. http://bibliomontreal.com/numerique/
6. Bibliothèque et Archives nationales du Québec : www.banq.qc.ca
7. Paradoxalement, j’avais écrit un texte en 1994, « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? », qui était paru dans « L'école montréalaise, bulletin de la CECM », 17 janvier 1994, p. 4.
8. Bibliothèques Montréal : http://bibliomontreal.com/
9. À ce sujet, voir :
- Communautaire, Le CECRG (encore et toujours !) menacé, in Le journal de Saint-Michel, 7 février 2018, p. 3
- Jessica Nadeau, Des centres d’éducation populaire dénoncent les menaces de la CSDM, Le Devoir, 25 janvier 2018 :
www.ledevoir.com/societe/education/518434/csdm-et-baux
- Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles, 2 décembre 2016, Le ministre Proulx annonce 750 000 $ pour soutenir les centres d’éducation populaire : http://carrefourpop.org/le-ministre-proulx-annonce-750-000-pour-soutenir-les-centres-deducation-populaire/
- Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles, La survie des centres d'éducation populaire (encore et toujours !) menacée, Janv. 18, 2018 : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/la-survie-des-centres-deducation-populaire-encore-et-toujours-menacee-670009873.html
- Ce site internet - www.sauvonslescep.com - ne fonctionne plus.
10. J’en parlais dans mon texte « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? » déjà cité en note 7.
11. Au lieu de donner les services lui-même, le gouvernement, ses ministères et, peut-être un jour, le secteur parapublic, pourrait aller en appel d’offres pour voir offrir les services gouvernementaux par des entreprises privées qui auraient soumissionnées comme on le fait pour la construction d’un pont ou d’un hôpital. Au plus bas soumissionnaire le contrat.
12. Marco Fortier, Des « notes formidables » même pour les élèves qui échouent, Le Devoir, 16 février 2018 : www.ledevoir.com/societe/education/520378/des-notes-formidables-meme-pour-les-eleves-qui-echouent
13. À ce sujet, deux textes. D’abord, celui de Marco Fortier déjà cité en note 12. Ensuite, Josée Blanchette, Parents mous, enfants fous, profs à bout, Le Devoir, 6 septembre 2013 : www.ledevoir.com/opinion/chroniques/386727/parents-mous-enfants-fous-profs-a-bout
14. Il faut lire Attali, Jacques, 2005, Karl Marx ou l'esprit du monde, France : Fayard (Documents)
15. RÉPLIQUES (France Culture), Était-ce ou non mieux avant? 2018-01-20, 52:04 minutes. C'était mieux avant ou maintenant? Michel Serres s'entretient avec Alain Finkielkraut. Ma citation est tirée entre 33:59 et 34:01 minute de l’entretien entre ces deux intellectuels. Pour ma part, je suis abonné à ce Podcast. Voir : https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/etait-ce-ou-non-mieux-avant
16. Le grand dictionnaire terminologique est maintenant remplacé par la Vitrine linguistique : https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/
17. Les écoles de métiers, voir Écoles et centres sur https://www.cssdm.gouv.qc.ca/
18. J’avais conservé cette annonce reçue dans ma boite aux lettres en vue d’écrire sur l’usage de la tablette à l’école. Je ne me souviens plus si je l’avais reçu par le facteur, dans le Publisac ou par une autre forme de distribution en porte à porte. Peu importe. L’important c’est que j’ai finalement parlé de ce sujet – et bien plus encore – dans ce dossier que je ne prévoyais pas faire à l’époque. Mon lapin en a rogné les coins, ce qui fait que je l’ai un peu recadré pour publication.
19. I-13.3 - Loi sur l’instruction publique :
http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/I-13.3